Psyché et Cupidon ou de l’amour tel qu’on en voudrait!

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Si le prénom de Psyché ne fait pas partie du langage commun actuel, celui de Cupidon (Eros en grec) est davantage utilisé lorsque l’on parle de l’amour paradisiaque, celui qui donne la sensation qu’une flèche nous a perforé le ventre, donnant naissance à des milliers de papillons que l’on veut garder pour toujours. Cupidon, c’est l’élan amoureux par excellence, désiré et canon, tant qu’à faire. Psyché, moins connue, nous renvoie, elle, à quelque chose de plus angoissant, poreux et même visqueux, tel que la psychanalyse par exemple.  On a donc à faire à priori à un géni puissant de bonheur  et à l’allégorie du tourment et de la solitude. Alors comment ces deux êtres se rejoignent dans le mythe d’Eros et Psyché ? Qu’ont-ils à voir l’un avec l’autre alors qu’ils semblent si différents selon nos représentations de départ ? C’est un peu l’accouplement du bossu de Notre Dame et la belle Esmeralda. Si d’emblée on est bien d’accord pour associer à Eros, l’effroi d’un bouleversement profond, on est curieux de savoir comment déjà, des millénaires plus tôt, l’amour est devenu un sujet d’intérêt pour le monde entier.

Psyché et Cupidon

D’après Apulée, Psyché était la fille d’un couple royal. Apollon, lui, est le fils d’Aphrodite mais son père reste mystérieux parmi les différents amants de sa mère. Avec son temps, il illustre bien le dicton populaire « il n’y a que de la mère dont on peut être certain ».  Platon qui s’est mis au service de la grande question de l’amour avec son œuvre qu’on n’explique plus, Le Banquet[1], fait discuter les illustres Socrate et Aristophane au cours d’un long dîner durant lequel l’amour, qui brille surtout par son absence, est décortiqué dans sa nature et ses vertus. Bien que Socrate et Platon soient d’accord, c’est pourtant le point de vue d’Aristophane qui nous a marqué et ce n’est pas étonnant. Aristophane nous dit exactement, sur l’amour, ce que nous voudrions tous croire; c’est l’amour tel qu’on le rêve, l’amour comblé et comblant, le bonheur ; alors que Socrate dit l’amour tel qu’il est, voué au manque, à l’incomplétude et au malheur. Si nous fantasmons l’amour selon Aristophane peut-on acculer Socrate de menteur ? C’est un cas unique dans l’œuvre de Platon de faire incarner une notion par une divinité. Ce traitement a un sens : faut-il y voir une manière de constater que l’amour serait souvent sacralisé par les humains ? Est-ce que, éros mérite-t-il vraiment d’être considéré comme un dieu ? On peut en douter si l’on observe le soin tout particulier que Socrate met à montrer que l’amour ne serait qu’un démon, certes capable de conduire les hommes vers quelque chose de divin, mais sans être lui-même divin.

Il y a dans ce mythe, toutes les contradictions de l’amour fait de passion heureuse tant que les amants ne cherchent pas à comprendre (voir le visage de l’être aimé était interdit à Psyché selon le dessein d’Eros qui voulait préserver leur amour) mais aussi de misère et de désespoir profond.

A présent, plongeons nous dans le mythe de Psyché et Eros, nos deux figures emblématiques, en espérant y découvrir le secret que nous cherchons tous, faire de l’amour une donnée constante de nos vie. Il faut déjà savoir que cette légende se finit aussi bien que Cendrillon, la Belle au bois dormant ou Blanche neige, ces contes animées par de braves femmes sauvées par l’amour de leurs princes charmants. Bien que la mythologie tentait de donner des réponses un peu plus complètes que Walt Disney, on en arrive peu ou prou aux mêmes conclusions : l’amour sauve ! et à vrai dire, on a tous envie d’y croire.

Psyché, la radieuse, est dotée d’une exceptionnelle beauté, jamais vue ici-bas. La pauvre créature terrestre souffre de solitude extrême dans son grand et beau manoir, entourée de ses deux parents qui lui vouent un amour inconditionnel et de tous les hommes du royaume qui viennent admirer et glorifier sa beauté. Elle vit dans un huis clos, préservé du monde extérieur, de ses atrocités et de sa beauté, sans surprise et sans désir. Elle a deux horribles sœurs, que l’on peut rapprocher d’Anastasie et Javotte dans Cendrillon [2]; jalouses et mal intentionnées dont le seul dessein est de se marier au meilleur des hommes et ainsi vivre dans les plus beaux royaumes. Psyché en plus d’être magnifique, est trop bonne pour être méchantes avec elles, et restera la sœur aimante jusqu’à ce qu’elle perde tout l’amour d’Eros et se transforme en pécheresse assoiffée de vengeance. À tel point qu’une foule béate d’admiration la considérait comme une déesse. Cette croyance se répandait et les cultes voués à la déesse Vénus furent de plus en plus négligés. Les mortels vont même jusqu’à prononcer ces mots maudits « Maintenant que je t’ai vue, nul doute! Tu es bien Aphrodite! ». C’est en voulant lui faire honneur que les visiteurs ont déchainé sur elle, la foudre divine de celle dont l’égo ne peut supporter l’effronterie de Psyché : c’est Aphrodite. Elle va s’enorgueillir et aller jusqu’à ordonner la déchéance de Psyché qu’elle veut voir dans les bas fonds de l’amour et par-dessus tout perdre sa beauté qui la rend comparable à la sienne pour les mortels. « Me voilà donc, moi, Vénus, contrainte de partager avec une fille mortelle les honneurs dus à ma majesté, et mon nom se trouve profané par les vils contacts de la terre! Je ferai en sorte que sa beauté lui donne lieu de se repentir. » Elle fait appel à son homme de main le plus dévoué et fils d’après certaines versions, Eros. « Tu vas trouver cette mortelle, et la faire tomber amoureuse. Mais pas de n’importe qui ! Je veux qu’elle aime désespérément le pire des êtres ! » . Eros, le brave serviteur part à la recherche de Psyché dans un esprit de soumission absolue à Aphrodite mais ce qu’il va découvrir en Psyché lui fera perdre le sens du devoir au profit de celui de l’amour. Parti venger Aphrodite, il ne va faire qu’accroître sa honte en épousant lui-même Psyché et lui donnant un enfant. Oui, ce Dieu à la plastique parfaite et à l’âme généreuse va s’éprendre de Psyché qui abandonnée à son destin par ses parents, va lui revenir.

Le Ravissement de Psyché, par William Bouguereau. 1895

En effet, ce sont ses parents, qui sans le savoir, l’ont livrée à Eros sur les recommandations de l’Oracle consulté face à la fatalité de la tristesse de leur fille chérie. Lors du banquet organisé pour célébrer les noces de sa sœur, ils se sont rendus à la triste évidence que leur fille était admirée mais tout aussi détestée, comme si un maléfice c’était abattu sur elle du fait de sa beauté parfaite. La tragédie de son destin éclate alors aux yeux du roi et de la reine, soupçonnant quelques malédictions célestes et la colère des dieux, qui décide d’aller à la rencontre du vieil oracle. C’est à partir de ce moment que le destin de Psyché est absolument remis entre les mains des dieux.

« Sur un rocher, tout au sommet du mont, va, roi, exposer ta fille soigneusement parée pour un hymen funèbre. N’espère pas un gendre né d’une race humaine, mais un monstre cruel, féroce et serpentin, qui vole sur ses ailes plus haut que l’éther et qui bouleverse tout, s’en prend à chacun par le feu et le fer, fait trembler Jupiter même, terrifie tous les dieux et frappe de terreur les rivières et les ténèbres du Styx »[3]. Quelle parfaite satire de l’amour quand on sait qu’il s’agit ni plus ni moins d’Eros, le dieu de l’amour. Il va de soi que Socrate était visionnaire sur l’amour qui semble ici être le seul et l’unique, authentique maléfice pour les mortels.

D’abord sur les malheurs de Psyché il y a le fait qu’elle soit belle mais pas du tout sexy, pas désirable au sens érotique du mot mais à présent, elle va devenir la proie d’un Dieu sacré qui est décrit comme un démon. Comme le père était venu demander un mariage pour sa fille et que les oracles disent toujours la vérité, on comprend que le monstre abominable en question doit bien avoir un rapport avec l’amour, avec Eros. Est-ce que cette prophétie, par ces termes,  ne soutient pas fermement Socrate, en mettant l’accent sur le caractère potentiellement monstrueux de l’amour ? Entre la maladie de Psyché qui la rend profondément seule et malheureuse ou un destin dans les griffes d’un Dieu tyran, on peut se demander si les parents reconnaissant la puissance de la volonté divine, n’auraient pas pu peser le pour et le contre dans cette histoire ? L’austérité aurait pu être une alternative intéressante mais la peur des dieux guident leur choix. Amoureux de l’amour les grecs ont eu à faire à Eros dont il reconnaissent la puissance créatrice autant qu’ils la redoutent. Des millénaires plus tard, nous voilà lecteur, quelque peu confiant qu’Eros vienne mettre des paillettes dans la vie de la malchanceuse beauté que porte Psyché.

Aphrodite incarnée dans une magnifique enveloppe et qui elle détient les pouvoirs de séductions et d’érotisme sur les hommes, qu’ils soient des créatures divines ou terrestres, va se mettre en tête d’abattre Psyché en lui donnant à aimer le pire des maris, qui finalement sera Eros. Le même Eros, qui on va le voir, va aussi la sauver. Quelle complexité de l’amour se cache derrière ce grand et beau mythe ? L’histoire raconte que les parents, tenus par l’Oracle, ont amené leur fille sur le rocher sur lequel ils l’ont abandonnée. Zephyr, le Dieu du vent, ordonné par Eors, est venu la chercher pour la livrer dans le palais d’Eros. La fragile Psyché va se retrouver dans le plus beau palais, nourrie, logée, blanchie mais seule la plupart du temps. Elle va être épousée, enfin, et même engrossée. Toute l’atmosphère érotique qui parfume le palais d’Eros dans lequel le couple est installé repose sur la naïveté avec laquelle la jeune vierge accueille son mari, dont elle ne connaît ni le visage ni le nom. Le mythe qui se veut être la réalisation de l’Amour, nous donne quelques précieuses indications sur les origines de la passion et la recette pour conserver le miracle des papillons dans le ventre : le mystère. Lui sait tout d’elle car il l’a vu vivre des jours et des nuits, mais elle ne connaît rien de sa vie, de ses activités. Elle ne prend que de lui l’amour présent qu’il lui donne, détaché de toutes les banalités terrestres. Est-ce que cela pourrait durer ainsi toute une vie ? Eros, sans tenir compte de la nature humaine, puisqu’il n’en fait pas partie, pense que oui. Psyché qui n’a rien de surnaturel que sa beauté, va se laisser aller à la compassion, aux sentiments envers sa famille et les inviter au palais pour qu’il découvre qu’elle vit heureuse et s’en trouve apaisée.

Une nuit, alors que Eros la couvre de toute sa tendresse, à l’abri des regards et donc de tous les avis, jugements extérieurs à leur amour sacré voué à l’éternité, Psyché lui demande l’autorisation d’accueillir sa famille dans leur palais. Son mari, amoureux et bienveillant manque de conviction face au joli minois de sa douce et accepte tout en la prévenant, un peu sournoisement il faut le dire, du danger. C’est ainsi que l’on voit Anastasie et Javote débarquer dans le somptueux palais., pour le plus grand malheur de la belle. Psyché se fait une joie, qu’elle pense partagée, de leur compter sa grande histoire d’amour avec celui qui est devenu son mari pour l’éternité. Elle qui voulait apaiser les cœurs de ses sœurs, n’avait pas imaginé qu’elles puissent ne pas se réjouir pour leur détestée sœur qu’elles auraient préféré savoir morte et qui vit désormais dans le plus beau des palais avec un homme robuste et surtout amoureux d’elle alors que l’Oracle avait évoqué un monstre. Le mal est entré dans leur nid quand les sœurs convainquent la belle de se mettre en quête de l’identité de son héros. La curiosité attisée en elle ne trouvera de fin que la colère et le rejet d’Eros qui ne peut désormais plus rester auprès d’elle. Il n’est plus envisageable, pour lui, de penser défier la colère et la jalousie d’Aphrodite, dont il les protégeait. A la suite de cette malchanceuse péripétie, il rejette Psyché et la chasse du palais alors qu’elle est sans le sous et enceinte.

Arrêtons nous un instant sur la rupture amoureuse de nos deux tourtereaux qui malgré l’originalité de leur modèle de couple, semblait avoir atteint une unité parfaite à la discrétion du monde entier. Aristophane, initiateur du mythe des flammes jumelles dépendantes l’une de l’autre pour leur survie et leur accomplissement, ne pouvait voir qu’en Eros et Psyché une imbrication parfaite et salvatrice pour chacun d’eux. C’est la fusion d’Agapé et Eros qui donne un amour complet à ce couple qui semble être arrivée au point culminent de leur destinée prometteuse d’un avenir radieux.  « Jadis, explique-t-il, notre nature n’était pas ce qu’elle est à présent, elle était bien différente. » Nos ancêtres, en effet, étaient doubles, du moins si on les compare à ce que nous sommes, et d’une unité pourtant parfaite, qui nous fait défaut : « Chaque homme constituait un tout, de forme sphérique, avec un dos et des flancs arrondis ; ils avaient quatre mains, autant de jambes, deux visages tout à fait pareils sur un cou parfaitement rond, mais une tête unique pour l’ensemble de ces deux visages opposés l’un à l’autre ; ils avaient quatre oreilles, deux organes de la génération, et tout le reste à l’avenant.[4] » André Comte-Sponville explique dans le  Petit traité des grandes vertus, au chapitre 18 qu’ils étaient si vaillants qu’ils s’en sont pris aux dieux mais que Zeus, pour les punir, les a coupé en deux, de haut en bas. C’est comme ça que la complétude des êtres a pris fin et que la recherche de sa « moitié » a démarré. Cette recherche, ce désir, c’est ce qu’on appelle l’amour, et la condition, quand il est satisfait, du bonheur. Seul l’amour en effet « recompose l’antique nature, s’efforçant de fondre deux êtres en un seul et de guérir la nature humaine ». La finitude de leur être complet a pris fin quand leur amour a été dévoilé au grand jour. L’aventure aurait été trop amère si nous nous en étions tenus à cette fin presque absurde mais surtout décevante. Le bémol dans cette histoire qui jusque-là semblait parfaite, c’est peut-être que Psyché, elle n’avait pris de l’amour, que le bon, sans concevoir les efforts qu’il lui faudrait fournir pour le préserver. En se livrant à ses sœurs, elle a commis un crime fatal pour son couple. La limite, c’était donc Psyché, qui avait été sauvé et devait revêtir le costume d’une actrice héroïne, pour réellement être digne de vivre l’amour. La rupture avec Eros va lui donner le courage et la force d’affronter des épreuves qui visiblement vont de pair avec un amour puissant.

La suite du mythe, dévoile une nouvelle Psyché puisqu’elle a désormais goûter à l’amour au désir la faisant devenir femme avec toutes les turpitudes de désespoir et de tristesse profondes que cela comporte mais aussi les forces intrinsèques. «  Fais de moi ce que tu voudras, je n’ai plus rien, je suis perdue » exprime t-elle en s’adressant à Aphrodite. Elle va enfin être plus attrayante et même plus excitante quand elle va commencer à agir au nom de son amour. Oui, Psyché arrête de subir et d’être attentiste après que Eros l’ai rejetée. En fait, c’est la rencontre avec la passion qui l’a métamorphosée.

A présent livrée à elle-même, elle commence son épopée par la vengeance qu’elle destine à ses sœurs. C’est très lucide, qu’elle va les affronter et leur jouer d’affreux tours pour se venger.  Rendue dans le palais où vit l’une d’elle, elle va exposer toute sa misérabilité et sa défaite pour sympathiser avec sa sœur. Elle lui apprend aussi que son époux était la divinité de l’amour incarnée par Eros. Après avoir guéri la jalousie de sa sœur qui la sait perdue et enfin rejetée et acculée par le malheur qu’elle mérite, elle lui apprend que la colère d’Eros s’est abattue sur elle et le coup final qu’il lui réserve c’est d’épouser sa sœur. Bien entendu, rien de cette prophétie n’est vrai, il s’agit d’une vraie manipulation de la part de Psyché, tellement imprévisible, que sa sœur qui boit ses paroles, quitte palais et mari pour aller s’offrir à Eros qui bien entendu ne viendra jamais. Après ce premier acte de la métamorphose de Psyché, la douce légende se transforme en réelle quête de personnalité, la rendant plus adaptée à la lectrice du 21ème siècle. Posant la question du bienfondé de la vertu de pureté, puisqu’elle a conduit Psyché à ce qui semble être sa perte, le mythe, plus réaliste nous amène à nuancer notre appréhension de ce que doit être la femme, douce, pure, aimante et préservée mais alerte et surtout pas naïve. Son homme qui la tenait sous sa protection dans un magnifique palais n’a pas pu la sauver de la nature des Hommes. Sauveur, il l’a coupé de tous les vices de la société mais n’a pas pu faire d’elle autre chose qu’une mortelle faillible et ce n’est qu’en devenant son bourreau qu’il va lui permettre de se révéler et de s’abandonner à la nature même de l’amour dans la torture et le supplice.

Si Psyché, relève le défi c’est donc parce qu’elle n’a plus aucun soutien. Elle a tenté de demander de l’aide avec la piété et la sagesse d’une vierge, qu’elle n’est plus, en sollicitant Déméter et Héra avant de se rendre à l’évidence de son destin qui la consacre à vivre en fugitive jusqu’à sa mort. Face à la tragédie, elle n’a plus aucun espoir et prend en main son destin en allant rencontrer Aphrodite. La déesse se délecte devant le festin de vengeance que la pauvre Psyché lui offre sur un plateau d’or et de diamant et alors qu’elle se rue sur le délicieux buffet, la légende de la belle va enfin exploser au grand jour. Aphrodite, qui ne peut pas la tuer de ses propres et pures mains de déesse de l’amour va lui imposer de réussir des épreuves irréalisables pour sauver sa misérable vie. Se faisant passer pour une brave déesse qui octroie à Psyché le droit à la noblesse, elle n’est que meurtrière aveuglée de jalousie et de vengeance. Psyché qui n’a plus rien à perdre que son souffle de vie, se lance suicidaire dans les défis qui lui sont proposés. Mais Aphrodite a commis un péché à sa divinité en pensant détourner Psyché de son destin dévoilé par l’Oracle.

Psyché doit entreprendre un long voyage initiatique, voire descendre en enfer, ce qui est rare pour une femme. Mais, à chaque étape de son voyage, Psyché bénéficie d’une aide miraculeuse qui lui évite de se battre directement, contrairement aux héros masculins. Les fourmis, les roseaux et même l’épouse du dieu de l’enfer lui font grâce de leur soutien. Elle subit également des épreuves typiquement féminines, comme le tri des céréales fréquent dans les contes. Pour cela, elle doit utiliser ses facultés féminines: la patience, la persévérance, une certaine passivité et adhésion à son destin, l’intuition… Et ce, jusqu’à ce que le conflit entre le féminin et le masculin se résolve en elle, et que l’unité se réalise.  Alors que  son initiation semble réussie, avant de s’élever elle va commettre un acte suicidaire qui reste mystérieux pour nous, lecteurs. Hantée par la voix d’Aphrodite « tu devras me ramener cette boîte fermée, sans jamais y toucher. Si tu regardes à l’intérieur, tu t’endormiras pour l’éternité », elle ne peut s’empêcher de succomber à la curiosité. Elle ouvre la précieuse boîte et la punition s’abat sur elle aussitôt ; elle tombe dans un profond et irrémédiable sommeil. Vice de curiosité ou volonté d’en finir ? Son acte reste plein de mystère. C’est là qu’enfin, réapparaît notre héros qui observait tout ça du haut d’Olympe. Furieux de voir sa belle détruite aussi injustement, il va s’emparer de son arc et ses flèches avant de se précipiter chez le dieu des dieux, qui n’est autre que Zeus, celui qui ne pense qu’à ça et cède plus souvent qu’à son tour à des passions amoureuses qui parfois l’égarent et lui valent des soucis. Il le supplie de mettre fin à sa souffrance en lui permettant de voler au secours de Psyché. Il lui parle de son amour indéfectible et il n’en faudra pas plus pour que Zeus use de son autorité sur Aphrodite pour lui permettre d’aller ressusciter Psyché, qu’il promouvra ensuite en déesse afin qu’ils puissent se marier.

Psyché, c’était au départ une beauté sans sensualité et même, on peut le dire, sans intérêt pour les hommes. C’est seulement dans son union avec Eros qu’elle parvient à connaître le véritable amour, celui qui conduit au plaisir dans un idéal d’union de l’âme et du corps ou comme le disait Aristophane, l’union des deux parties de leurs corps et de leurs âmes. L’une des morales de l’histoire c’est que l’on peut être belle et pas attirante ou moche et sexy.😜 Mais encore que la chair est tout aussi importante que l’esprit. C’est l’union de l’eros et de l’agape qui signe la marque déposée d’un  mariage dont la signification est intemporelle. L’heure de la monogamie absolue a donc sonné !

Ce conte est extrait d’un ouvrage important, « L’âne d’or ou les métamorphoses », d’un l’auteur romain du 2è siècle après J.C., Apulée. Ce conte illustre à la fois la psychologie de la femme et de l’homme, et celle du couple: le masculin chez la femme, le féminin chez l’homme, l’ombre féminine. Il n’y a pas de réel processus de maturation sans expérience de l’amour, car l’amour torture et purifie l’âme. Souvent, on aimerait fuir la personne qui nous tourmente et nous rend dépendants, mais Éros nous contraint, en vivant cette relation jusqu’au bout, à devenir plus conscients.

A ce propos, le poète libanais Khalil Gibran (1883-1931) nous invite à jouir de l’amour avec la plus grande dévotion, dans son poème intitulé L’amour extrait du recueil Le prophète

 » Alors al-Mitra dit : Parle nous de l’Amour.

Il leva la tête et regarda la foule sur laquelle un grand silence s’était abattu.

D’une voix assurée, il dit: Quand l’amour vous fait signe, suivez le,

Bien que ses chemins soient escarpés et sinueux.

Et quand ses ailes vous étreignent, épanchez vous en lui,

En dépit de l’épée cachée dans son plumage qui pourrait vous blesser.(…)

 

[1] Ecrit en 380 avant J-C.

[2] Cendrillon est un conte ancien et le nom de son personnage central. L’Occident connaît surtout cette histoire à travers les versions fixées par Giambattista Basile dans La gatta Cenerentola, Charles Perrault dans Cendrillon ou la Petite Pantoufle de verre et par les frères Grimm dans Aschenputtel. Il existe cependant une multitude de versions de par le monde.

[3] Pierre Grimal, L’âne d’or ou les métamorphoses (Gallimard, Folio classique, 1975)

[4] Aristophane dans  Le Banquet de Platon.

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